Fulbert de Chartres

Fulbert de Chartres

Dimanche 11 Novembre 2012 d'Etty HILLESUM

Et l’’on peut combattre la guerre en libérant en soi l’amour, chaque jour, à chaque instant.
 
 
Etty HILLESUM
1914-1943

Née le 15 janvier 1914 dans une famille juive libérale, Esther, dite Etty, rencontre en 1941 après ses études de droit le psychothérapeute Julius Spier dont elle devint l’élève, la secrétaire, et l’amie intime. Engagée dans les services administratifs du Conseil juif d’Amsterdam en juillet 1942, elle est envoyée à sa demande au camp de transit de Westerbork, où elle choisit de rester sans tirer avantage de son statut de fonctionnaire. Elle s’inventait toutes sortes de tâches et se dépensait sans compter auprès de ceux qui attendaient de semaine en semaine leur déportation. Déportée avec les siens, en septembre 1943, elle meurt à Auschwitz le 30 novembre. Ce fut une grande expérience humaine et spirituelle, qu’on découvre à travers son journal 1941-1943, et ses lettres de Westerborg.

 

« C'est une expérience de plus en plus forte chez moi ces derniers temps : dans mes actions et mes sensations quotidiennes les plus infimes se glisse un soupçon d'éternité. je ne suis pas seule à être fatiguée, malade, triste ou angoissée, je le suis à l'unisson de millions d'autres à travers les siècles, tout cela c'est la vie...

La vie est belle et pleine de sens dans son absurdité, pour peu que l'on sache y ménager une place pour tout et la porter tout entière en soi dans son unité
alors la vie, d'une manière ou d'une autre, forme un ensemble parfait.

Dès qu'on refuse ou veut éliminer certains éléments,
dès que l'on suit son bon plaisir et son caprice pour admettre tel aspect de la vie et en rejeter tel autre, alors la vie devient en effet absurde : dès lors que l'ensemble est perdu, tout devient arbitraire. [ ... ]

Je suis surtout reconnaissante de n'éprouver ni rancoeur ni haine, mais de sentir en moi un grand acquiescement qui est bien autre chose que de la résignation, et une forme de compréhension de notre époque, si étrange que cela puisse paraître !
Il faut savoir comprendre cette époque comme on comprend les gens ;
après tout c'est nous qui faisons l'époque. Elle est ce qu'elle est, à nous de la comprendre en tant que telle, malgré l'effarement que son spectacle nous inspire parfois.

Une chose est sûre : on doit tout accepter, être prêt à tout et savoir qu'on ne saurait nous prendre nos retranchements les plus secret ; cette pensée vous donne un grand calme intérieur et l'on se sent à même d'accomplir les démarches pratiques réclamées par les circonstances.

Là où on est, être présent à cent pour cent.
Le grand obstacle, c'est toujours la représentation et non la réalité.

La réalité, on la prend en charge avec toute la souffrance, toutes les difficultés qui s'y rattachent
on la prend en charge, on la hisse sur ses épaules, et c'est en la portant que l'on accroît son endurance.
Mais la représentation de la souffrance - qui n'est pas la souffrance, car celle-ci est féconde et peut vous rendre la vie précieuse - il faut la briser.
Et en brisant ces représentations qui emprisonnent la vie derrière leurs grilles, on libère en soi-même la vie réelle avec toutes ses forces, et l'on devient capable de supporter la souffrance réelle, dans sa propre vie et dans celle de l'humanité.

Je ne pense plus en termes de projets ou de risques : advienne que pourra, et tout sera bien.

Et Etty, dans une lettre du camp de transit de Westerbork, avant sa déportation à Auschwitz :

« On me dit parfois "Oui, tu vois toujours le bon côté de tout."
Quelle platitude !
Tout est parfaitement bon. Et en même temps parfaitement mauvais.
Les deux faces des choses s'équilibrent, partout et toujours.

Je n'ai jamais eu l'impression de devoir me forcer à voir le bon côté des choses : tout est toujours parfaitement bon, tel quel.
Toute situation, si déplorable soit-elle, est un absolu et réunit en soi le bon et le mauvais.

Je veux dire simplement que "voir le bon côté des choses" me paraît une expression répugnante, de même que "tirer le meilleur parti de tout". »

Ni optimisme ni pessimisme : la vérité seule, et tout entière.

Le réel seul, et tout entier. C'est la même chose, puisque c'est la chose même.

« La vérité est ce qui existe.
Ce qui est, est la vérité. »

Nous sommes dans l'absolu, ici et maintenant
il n'y a rien d'autre à connaître que ce qui est,
rien d'autre à aimer que tout.

Sagesse du désespoir sagesse de l'amour et de la lucidité.
Le réel, toujours et partout, est l'un sans second.

Toujours vrai.
Toujours parfait.
Toujours neutre .

C'est de là qu'il faut partir... et c'est là, aussi, qu'il faut arriver.

Extraits du livre de Etty Hillesum " une vie boulversée" suivie de "Lettres de Westerbork" éditions Point Poche noP59


11/11/2012
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