Poèmes d’Auschwitz
Poèmes d’Auschwitz
Lors d'une cérémonie rituelle, la loge Abbé Grégoire a fêté, en présence du Grand Maître de la Grande Loge de France et d'une Importante délégation du Conseil Fédéral, le jubilé maçonnique de sept de ses membres, qui avaient atteint ou dépassé trente- trois années de vie maçonnique.
Une grande tradition de la Franc-Maçonnerie veut qu'une loge soit composée, non seulement des Frères nouvellement initiés, et des anciens comme ceux qui étaient fêtés au cours de cette cérémonie, mais aussi de tous les frères passés à l'Orient éternel, qui ont participé à la construction du temple et ont rendu possible l'existence de la loge.
C'est ainsi que toute l'assistance a été profondément émue d'entendre la lecture de deux poèmes de Pierre Créange, ancien Vénérable de la loge Abbé Grégoire, probablement écrits en 1942 au camp d'Auschwitz où Pierre Créange est passé à l'Orient éternel.
Fils barbelés,
Banales baraques interchangeables.
Travail morne qui ne console pas.
Frères de misère,
Qui parfois à nos misères ajoutez...
Solitude dans la multitude,
Langues étrangères,
Paysages et visages hostiles,
Ou fermés.
Notre destin nous est rivé
A toi, mon aimée,
Comme à moi
Pour des jours et des jours,
Longs à traîner.
Nous sommes séparés,
A l'absence s'ajoute le silence.
Si parfois la violence de ma peine décroît,
Et semble s'assoupir,
Comme s'atténue le froid quand tombe la neige,
C'est que ta pensée,
De ton aile impalpable, m'a caressé.
La vie nous semblera une merveilleuse aventure
Lorsque nous serons réunis.
Parfois je crois voir notre retour,
Mon Amour...
Les embrassements triomphants
De nos enfants,
Grandis et mûris par l'épreuve.
L'étreinte de nos parents,
Vieillis mais retrouvés...
Les yeux tendres du vieux chien,
Et l'accueil même des choses,
Et le sourire perlé de nos roses.
Jamais nous n'aurons été
Si près l'un de l'autre.
La maison nous sera douce, si douce...
Nous deviendrons casaniers
Parmi les amis et les livres retrouvés,
Sous les yeux attendris des aïeux
Dans leurs cadres patinés.
Horizons fermés,
Fils barbelés,
Banales baraques interchangeables,
Travail morne qui ne console pas.
Frères de misère
Qui parfois à nos misères ajoutez…
Solitude dans la multitude,
Langues étrangères,
Paysages et visages hostiles,
Vous serez comme un cauchemar,
Dont le jour d'un coup délivre.
Je reverrai bientôt tes yeux mon adorée,
Juif parmi d'autres juifs,
- Inconnu parmi les inconnus -
Il est arrivé un soir
Avec vingt autres hommes.
Sa valise et sa peine
Courbant ses épaules.
……………………….
C'était un être au destin banal.
Ou peut-être avait-il été quelqu'un.
Tu n'as rien livré de toi ;
Tu ne nous as pas parlé ;
Passant discret, tu es passé,
A peine as-tu donné ton nom,
Et ton regard déjà atone...
On t'a couché
Et tu ne t'es pas relevé.
……………………….
Tu es parti à midi.
Le vent d'ouest hurlait.
Une charrette a porté à travers la plaine
Le pauvre cercueil de bois blanc,
Et quatre des nôtres ont suivi ton corps.
Tandis qu'un soldat en armes
Gardait le mort et les vivants —
Alors j'ai vu de furtives larmes anonymes de femmes,
— Prélude aux larmes qui couleront ailleurs...
Enfin au cimetière,
Quelques prières,
Et les rituelles pelletées de terre...
……………………….
Un Juif à rayer sur les registres,
Et c'est tout.
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